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Lansana FOFANA

Haut-Commissaire - Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Gambie (OMVG) - Guinée

 

En quoi le RIOB est un réseau important de partage de connaissances et d’expériences,  pour le continent africain et à l’échelle mondiale ?

Je vous remercie tout d'abord de me donner l'occasion de m'exprimer.
Je suis le Haut-Commissaire de l'Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Gambie, et, en tant qu'organisme de bassin, nous sommes un des composants du RIOB à l'échelle sous régionale, régionale et africaine.

Dans quel contexte l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie a-t-elle été créée en 1978 ?

Suite aux grandes sécheresses des années 70-74 que l'Afrique a connu, et en particulier le Sahel, nos dirigeants de l'époque ont vite compris qu'il fallait prendre des dispositions pour pérenniser l'existence de la ressource en eau, permettre une mise en valeur durable et une exploitation rationnelle au profit du développement économique et social et de la préservation des écosystèmes pour les générations futures.


C'est dans ce contexte que l’Organisation a été créée le 30 juin 1978 à kaolack (Sénégal), par les présidents Jawara (Gambie) et Sédar Senghor (Sénégal).

Mais compte tenu du fait que le fleuve prend sa source dans le massif du Fouta-Djalon, il était nécessaire pour avoir une vision globale, à l'échelle du bassin, rationnelle et équilibrée de la ressource, et donc que la Guinée puisse adhérer. Ce qu’elle a fait en juin 1981.

Suivie en juin 1983 par la Guinée Bissau, qui, même si elle  n'est pas dans le bassin du fleuve Gambie, avait exprimé le souhait d'adhérer à cette organisation. C’est ainsi que les bassins fluviaux du Kayanga/Géba et du Koliba/Corubal, que la Guinée Bissau partage avec la Guinée et le Sénégal, ont été mis sous la juridiction de l’OMVG.

Quels sont les écueils spécifiques rencontrés sur les aspects juridiques ou autre dans la mise en place de l'organisation et peut être aussi au fil de l'eau dans la mise en œuvre de ces actions ?

Quand on crée une organisation, on commence toujours par concevoir le cadre juridique et institutionnel.
Les éminents juristes de nos états, appuyés par des conseillers internationaux, ont proposé des structures que les Etats ont validés. C’est ainsi que la convention portant création de l'OMVG a été accompagnée par une  convention donnant le statut de fleuve international au fleuve Gambie.

Un schéma institutionnel a été adopté, avec la Conférence des chefs d'Etat, instance suprême qui définit la politique et les grandes orientations du programme de mise en valeur. Cette Conférence se réunit tous les 2 ans, et elle a une présidence tournante entre les quatre pays membres (Gambie, Guinée, Guinée Bissau et Sénégal).

En dessous, il y a le Conseil des ministres, qui est l'organe des décisions. Il examine et approuve les programmes d'activité annuels, les projets de budgets. Toutes les décisions qui sont prises sont sanctionnées par des résolutions du Conseil des ministres à l'attention de l'organe d'exécution, qui est le Haut-Commissariat. A l'instar de la Conférence des chefs d'Etat, le Conseil a une présidence tournante tous les deux ans, répartie entre les 4 pays.

Le Haut-Commissariat est donc l'organe d'exécution qui met en oeuvre la politique définie et les décisions, une fois le programme et le budget approuvés. Il est composé d'un Haut-commissaire, d'un Secrétaire général et de 4 Directions.
Le poste de Haut-Commissaire est attribué à un pays, il est tournant lui aussi, avec  un mandat de 4 ans renouvelable une fois.
il s’appuie sur la Direction des études, la planification et l'infrastructure régionale, la Direction financière, la Direction de l'environnement et du développement durable et la Direction de l'administration et des moyens généraux.

Pour assurer une bonne gouvernance de l'Organisation, un Contrôleur financier et un Commissaire aux comptes contrôlent les dépenses effectuées par le haut-commissariat et rendent compte au Conseil des ministres. Cela assure la transparence et les règlements financiers.
Mais ce qui est important, c'est le caractère commun des ouvrages, leur copropriété: tous les ouvrages que l'OMVG réalise n'appartiennent pas à un Etat: même si il est sur son territoire, il est la propriété des quatre Etats.

C'est un gage de responsabilité et d'intérêt partagés, de prises de décision consensuelles; c'est aussi un gage de solidarité, de sécurité, de paix et de stabilité pour nos Etats.

 

Quels sont les principaux, ou le principal problème, s'il y en a, que rencontre l'Organisation ?

Comme toute organisation, il y a parfois des petites difficultés, notamment pour le recouvrement des contributions des Etats. Mais l'organisation n'en souffre pas pour autant.

Actuellement nous sommes en train de mettre en œuvre un gigantesque projet “Énergie” composé de deux aménagements hydrauliques et une ligne haute tension 250 KV de 1700 kilomètres qui alimentera tous les centres de production des 4 pays pour un coût de 722 millions de dollars.
C'est un excellent exemple de contribution collective: il est financé par 8 bailleurs de fonds (BAD, la BID la BUI, l'AFD, la KFW, la BOAD, le fond Cohésion …) et les Etats.


La multiplicité des bailleurs de fonds entraîne toutefois la multiplicité des procédures, chaque bailleur de fond ayant ses propres contraintes qu'il faut respecter. C'est un facteur du prolongement du délai d'exécution, et il en résulte des réclamations des entreprises,

Le barrage à buts multiples de Samba-Galou va produire 128 MW en termes de puissance, et il va permettre l'irrigation de 90 000 hectares (50 000 en Gambie et 40 000 au Sénégal). Cela va permettre de développer l'agriculture et d’assurer l'autosuffisance alimentaire au niveau de ces pays.

Il va en outre permettre de repousser de 100 kilomètres la langue salée (cela permettra de récupérer des terres agricoles), et de régulariser le régime hydrologique des cours d'eau, limitant ainsi les inondations.
Nous laisserons toutefois passer un débit dit écologique, pour permettre la vie aquatique à l'aval et ainsi respecter les normes environnementales.

Quelles sont vos autres actions prioritaires, à moyen terme, d'ici 10 ans?

En terme d'énergie, il y a des ouvrages de deuxième génération en projet, dont la production va emprunter notre ligne d'interconnexion (qui est surdimensionnée, avec une capacité de transit de 800 mégawatt).


De plus, les 1700 kilomètres de ligne seront accompagnés par un vaste programme d'électrification rurale: tous les villages traversés, et à moins de 10 km de la ligne seront alimentés; cette action est déjà engagée, avant même la fin du projet. Cela est financé par la Banque Mondiale.


Les zones qui sont éloignées de plus de 10 km vont être électrifiées  par le projet "Accès universel à l'électricité" financé par la BAD.


Pour les zones non éligibles, on va mettre en place des systèmes de production d’énergies renouvelables (éolien, solaire…).


Mais ce n’est pas l’énergie seule qui fait le développement: c'est à la fois l'énergie, l'hydraulique villageoise, l'eau potable, l'hydraulique agricole, l'élevage, la santé, l'éducation, les transports.

Dans ce cadre, nous sommes en train de monter, avec la coopération Suisse et les Nations Unies, un mécanisme de financement innovant pour l'étude d'un Plan Directeur de Développement Intégré, qui va intégrer tous les aspects du développement. En effet, tant que nos villes symboliseront le bonheur, on ne pourra rien contre l'exode rural et l'immigration clandestine, qui constituent aujourd'hui le principal fléau auxquels sont confrontés nos Etats et la communauté internationale.

Un atelier va prochainement regrouper tous les partenaires techniques et financiers, tous les Etats membres de l'OMVG. Il leur sera présenter un mécanisme de financement innovant: il s’agit de prêter directement à l'Agence de bassin pour qu'elle  puisse réaliser ses programmes.
Au cours d’une table ronde, chaque partenaire présentera les programmes et projets à courts, moyen et long termes et dira quel est le projet qui l'intéresse, qui va le financer à court, moyen et long terme.

L'organisation du fleuve Gambie est en pointe, comme l'OMVS, d'abord par l'antériorité, puisque qu'elle a été créé il y plusieurs décennies, et puis par le système mis en place d'infrastructures communes, en copropriété, le partage des bénéfices, etc... 
Est-ce que vous êtes appelés par des Etats ou des organisations naissantes de bassins transfrontaliers qui veulent aussi se créer, se mettre en place et qui cherchent des exemples comme celui de la Gambie ?

Il y a un organisme qui classe toutes les agences de bassin. L'OMVS occupait le premier rang, mais depuis 2 ans, l'OMVS est ex aequo avec l'OMVG.


Tous les autres organismes de bassins viennent s'inspirer, Autorité du Bassin du Niger, Autorité de la Volta, même des pays de Asie centrale et orientale comme le Kazakhstan, viennent nous consulter et s'inspirer de notre expérience.


Ce qui fait la différence entre l'OMVG et les autres organismes, c'est la gestion à l'échelle de l'ensemble du bassin, de la source à l'embouchure. Il y a bien des Agences de bassin, en France ou ailleurs, mais elles couvrent juste la portion territoriale du pays, elles n'ont pas compétence hors de leur territoire.

Vous avez un excellent exemple avec le Mékong, qui malheureusement n'inclut pas les 2 pays à l'amont….

L’OMVS et l’OMVG sont des structures qui gèrent l'ensemble du bassin au profit de l'ensemble des Etats,  c'est ce qui fait leur particularité.

Source

Interview réalisée lors de la 11ème Assemblée générale mondiale du RIOB - Du 30 septembre au 03 octobre 2019 à Marrakech (Maroc) - © RIOB 2019